L’Eglise en Russie
(Le métropolite Serge a-t-il quitté la voie de l’Eglise de Tikhon ?)
Français
Septembre 1928
L’Eglise en Russie
(Le métropolite Serge a-t-il quitté la voie de l’Eglise de Tikhon ?)
Qui lit régulièrement les écrits des athées et des rénovateurs, voit clairement leurs efforts pour démontrer, coûte que coûte, que l’Eglise tikhonienne se trouve en pleine décomposition. La moindre déclaration sur les différends entre les chefs de l’Eglise, sur les difficultés de sa situation, provoque immanquablement tout un flot d’affirmations haineuses : que l’Eglise tikhonienne se trouve dans l’anarchie la plus complète, qu’il n’existe plus aucune unité, plus de direction unifiée et qu’il ne peut y en avoir etc. Ils ne se refusent aucune exagération, aucune élucubration. Par exemple : quand, au début 1925, le Métropolite Pierre Krutitski, après son arrestation, désigna d’abord, pour le remplacer, le Métropolite Serge et, ensuite, mal informé sur la situation de l’Église, transmit le pouvoir à un collège épiscopal auquel devait participer le chef du nouveau groupe schismatique V.V.Ts.S.[1] : l’archevêque Grigori d’Ekaterinbourg, les rénovateurs, avec une joie mauvaise, se sont empressés de publier en détail, dans leurs « Messagers », cette information. Le 1er janvier 1927 le Métropolite Pierre, pour clarifier la situation, envoya de Perm où il avait été emprisonné, un message qui nous a permis d’apprendre qu’il avait donné son accord pour la constitution du collège, « persuadé que l’archevêque Grigori se trouvait en pleine unité avec l’épiscopat orthodoxe et sans soupçonner que cet Archevêque depuis longtemps faisait scandale. »
Plus loin le Métropolite Pierre écrit : « Je rends grâce à Dieu qui m’a donné la possibilité d’annuler par écrit la constitution du collège et de confirmer la justesse des mesures prises par le Métropolite Serge – interdire à l’Archevêque Grigori et aux archevêques autoproclamés qui sont dans le même esprit de célébrer ; les éloigner des chaires qu’ils occupent… Dans l’entretien que j’ai eu avec l’archevêque Grigori venu me voir dans ma prison de Sverdlovsk, je lui ai personnellement fait savoir qu’il se trouve en dehors de la communion de prières canonique, je l’ai exhorté fraternellement à se soumettre à ma décision et à celle du Métropolite Serge, je l’ai prévenu que les troubles provoqués par lui et ses partisans ne pouvaient être tolérés dans l’Eglise orthodoxe. » De ce message les rénovateurs n’ont dit aucun mot. Visiblement un témoignage de la parfaite unité entre le titulaire provisoire (locum tenens) du Trône patriarcal et son remplaçant ne leur convenait pas. Les dirigeants de V.V.Ts.S. dissimulent ce message, ce que nous voyons dans les actes de leur dernier congrès.
Il faut bien sûr se comporter avec la plus grande prudence avec les informations que communiquent les publications des rénovateurs et des athées. Rien ne les arrête dans leurs efforts pour calomnier et perdre l’Eglise tikhonienne. Le correspondant de Moscou de « Combat pour la Russie », dans son numéro du 11 février de cette année fait cette déclaration : « Dans leur lutte contre le Métropolite Serge et les autres chefs de l’Eglise orthodoxe, les rénovateurs ne s’en sont pas tenus à des dénonciations ouvertes et anonymes, au mensonge et à la calomnie. Ils falsifient des documents, répandent des rumeurs mensongères. Les réformateurs s’en prennent avec une cruauté particulière au Métropolite Philippe (Goumilievski), que le Métropolite Serge a nommé chef de l’éparchie de Moscou et que les réformateurs accusent soi-disant « d’avoir en 1925 accepté de diriger avec l’évêque Nikolaï une nouvelle hiérarchie de prêtres transfuges[2] ». Ce qu’écrivent les rénovateurs et les autres renégats de l’Eglise, est souvent si ignoble, mensonger et hypocrite, que cela ne peut pas ne pas susciter le dégoût le plus profond. Tels sont, par exemple, imprimés par l’imprimerie « Octobre rouge », les actes du 2eme congrès de V.V.Ts.S., qui s’est tenu à Moscou en novembre de l’an passé. Cette brochure est remplie d‘attaques haineuses contre le Métropolite Serge et l’Eglise orthodoxe qu’il dirige. Un des principaux militants de V.V.Ts.S., l’évêque Boris (ex- Mojaiski), s’exprime de la façon suivante : « Les ennemis de l’Eglise ont entrepris contre V.V.Ts.S. une campagne de persécution qui se poursuit encore aujourd’hui. A la tête des personnes qui subissent les tourments et les souffrances de la Sainte Eglise se trouve le Métropolite de Nijni-Novgorod Serge, mais on ne peut absolument pas le suivre ni le croire et voici pourquoi : le Métropolite Serge, comme le Pape de Rome, détruit et renverse de manière sacrilège les dogmes de la primauté de notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eglise. » A un autre endroit il dit : « Selon l’idéologie du Métropolite Serge et de ses disciples, l’Eglise est rivée à des formes déterminées de la vie politique et ne peut exister sous d’autres formes. En conséquence ils croient à la possibilité de la ruine de l’Eglise. Mais par là-même ils témoignent solennellement qu’ils ne croient pas en Dieu et en Sa toute puissance…Voilà pourquoi le Métropolite Serge et ses disciples les plus proches ont toujours détesté le Très Saint Patriarche Tikhon, qui a cherché des accommodements avec le Pouvoir » (avec une majuscule. NDLR). V.V.Ts.S. lui-même « appelle tous les fidèles à une relation sincère et bienveillante avec le Pouvoir de l’Etat existant ». Sur la proposition de l’archevêque Grigori, anciennement à Ekaterinbourg, le congrès « à l’unanimité se joint à l’adresse de bienvenue que le V.V.Ts.S. envoie au gouvernement de l’URSS à l’occasion du 10e anniversaire du Pouvoir Soviétique ». Nous citerons intégralement cette adresse indigne : « Ayant conscience que la vie humaine n’est pas une plaisanterie ni une distraction mais un travail et un défi héroïque, et qu’elle devient cauchemar et détresse quand des fainéants enlèvent les fruits de leur travail aux travailleurs ; croyant que la Providence du Créateur des hommes et du monde veille sur eux et corrige nos manquements, en agissant spirituellement sur nos esprits et notre conscience et, devant notre obstination, en recourant à des mesures de châtiment et de persuasion physiques ; confessant que les malheurs de la guerre aussi bien impérialiste que civile, intestine, vécus par nous étaient justement manifestation de cette persuasion et de ce châtiment ; reconnaissant que le Pouvoir soviétique, chargé de diriger l’Etat dans le moment le plus difficile de la vie nationale, a manifesté bonne volonté, abnégation et compétence pour la guérison des souffrances et des malheurs du peuple, arrachant notre peuple au cercle de feu et de sang de la guerre mondiale impérialiste, transmettant aux travailleurs les terres, les usines et les fabriques, soutenant les arriérés et les faibles, libérant les opprimés, prenant en charge les délaissés, élevant les jeunes et essayant d’éclairer tous par la lumière de la science et l’alphabétisation, le Conseil suprême ecclésiastique provisoire, en ce jour notable du dixième anniversaire du pouvoir soviétique, le salue avec sincérité et sans hypocrisie et lui souhaite de progresser le plus loin possible dans le service des hommes, exprimant l’espoir et le souhait pour cette nouvelle décennie qui commence que soient éliminées toutes les imperfections de la vie, que tous, libres et égaux, puissent hardiment travailler au bien commun et à la gloire du Souverain unique, Seigneur et Gardien de l’univers, Dieu. »
L’évêque Boris s’est joint de même à la persécution entreprise par les rénovateurs contre l’archevêque Philippe, l’un des confesseurs qui a montré un exceptionnel stoïcisme au moment de la débâcle générale de l’Eglise qu’ont suscitée l’arrestation du patriarche Tikhon et la formation de « l’Eglise vivante ». L’archevêque Philippe fut alors le seul évêque à avoir gardé fidélité au Saint Patriarche et à combattre avec ardeur cette « église vivante ». Apparemment il est aujourd’hui encore l’un des chefs stoïques de l’Eglise tikhonienne, ce qui suscite les campagnes de calomnies, entreprises contre lui par les adversaires enragés de cette Eglise. L’Evêque Boris ne considère même pas l’Archevêque Philippe comme un chrétien orthodoxe et voit dans sa désignation de chef de l’éparchie de Moscou « une révélation cynique de l’hypocrisie et de l’absence totale de principes du Métropolite Serge ».
Face à tout ce que les ennemis de l’Eglise de Tikhon, acharnés à la calomnier et à la détruire, écrivent contre elle, s’il faut se comporter avec la plus grande circonspection et la plus grande méfiance, d’un autre côté, toutes leurs déclarations qui donnent des témoignages favorables à l’Eglise, doivent être considérées comme dignes de foi. Ils n’ont absolument aucune raison de renforcer l’autorité de l’Eglise. Ce qu’ils sont contraints de reconnaître, on ne peut certes pas le cacher. Ces faits sont habituellement accompagnés de commentaires hostiles et d’interprétations partisanes. Mais, quand même, les faits sont reconnus et pour nous c’est le plus important. Si l’émigration était davantage au courant des événements de l’Eglise en Russie, on pourrait, je le pense, éviter beaucoup de ces malentendus qui ont conduit aux fâcheuses divisions que nous avons subies dans l’Eglise. En émigration on ne peut absolument pas comprendre les conditions dans lesquelles l’Eglise qui se trouve à l’intérieur de la Russie, vit et lutte avec le mal.
Cette incompréhension s’est manifestée avec une force particulière quand on a appris la légalisation de la direction centrale du Patriarcat de l’Eglise. Ceux qui suivent avec tendresse et attention le développement des événements l’Eglise dans la patrie, ne peuvent pas ne pas comprendre à quel point il est important pour l’Eglise d’obtenir la légalisation. Un des amis les plus remarquables et les plus dévoués de l’Eglise tikhonienne, l’archevêque de Lettonie Ioann, a montré dans un entretien avec les collaborateurs du journal « Slovo » (25 août 1927) que, dès le patriarcat de Tikhon, les dirigeants de l’Eglise avait fait des démarches pour obtenir sa légalisation. « Les premières tentatives, disait-il, n’ont abouti à aucun résultat réel, entre autres parce que les hautes autorités de l’URSS ne voyaient aucune nécessité de normaliser la situation de l’Eglise orthodoxe. Ces autorités à l’époque vivaient encore dans l’espoir illusoire de déraciner sur le territoire de l’URSS toute foi religieuse. » La légalisation du Synode sous le Métropolite Serge, qu’il a annoncée dans un message qui a fait grand bruit, est apparue à beaucoup de ceux qui vivent en émigration comme un démission des dirigeants de l’Eglise dans leur combat contre le mal, comme un compromis pusillanime etc. Mais pour l’archevêque Ioann, qui suit attentivement la vie de l’Eglise en Russie, ce fait témoigne d’un changement de position, non de l’Eglise mais du pouvoir soviétique qui « au bout d’une décennie d’existence ne peut pas ne pas voir que les efforts les plus soutenus pendant dix ans n’ont pas conduit aux résultats souhaités – la foi religieuse ne se soumet pas au déracinement ».
Les rénovateurs, s’efforçant de tout interpréter dans un sens nuisible à l’Eglise du Patriarcat, sans nullement renoncer à leurs efforts, ont été obligés de reconnaître (dans un rapport du département administratif de leur synode, voir leur Messager de Moscou, N°2, 1928) que « les informations sur l’enregistrement du Synode des Vieux Croyants sous le Métropolite de Nijni Novgorod Serge ont troublé ceux qui travaillaient dans l’éparchie» ; qu’ils leur faut, pour « apaiser les communautés de réformateurs », de publier des messages spéciaux « faisant toute la clarté sur le Synode de Serge », c’est-à-dire en recourant à nouveau au mensonge et à la calomnie. Ce Messager rénovateur publie dans le bulletin d’information du 7 février que « la déclaration du métropolite Serge a été aussi un coup dur pour les adeptes de V.V.Ts.S ». Il a fallu, pour sauver la situation à Tcheliabinsk où elle était particulièrement catastrophique, la venue du chef du V.V.Ts.S. Grigori.
Apparemment, au moment où Staline, luttant avec l’opposition trotskiste, s’est appuyé sur des couches de l’opinion soviétique plus modérées et plus éloignées du communisme, de larges perspectives s’ouvraient devant l’Eglise légalisée. Les informateurs étrangers (dans Renaissance, de sources allemandes, dans Church Times, de sources anglaises etc.) ont déjà donné des informations sur le travail préparatoire à la convocation du IIe concile canonique de l’Eglise Russe et ont même indiqué la date prévue pour cette convocation du Concile – mai 1928) ; sur la libération imminente du détenteur provisoire du Siège patriarcal et d’autres hiérarques arrachés à leurs troupeaux ; sur le travail entrepris pour liquider les groupements qui se sont détachés de l’Eglise etc. Mais Staline, s’étant débarrassé de l’opposition, est revenu rapidement à gauche. Ont repris les persécutions sur « le front économique ». Ce changement brutal de la politique soviétique n’a pas pu ne pas se répercuter pas sur « le front idéologique » au centre duquel se trouve la lutte avec l’Eglise orthodoxe. L’archevêque Ioann a terminé son entretien avec le collaborateur de Slovo en disant ce qui suit : « Il peut très bien se faire que les Soviets ne signent nullement un concordat et alors tout ce qui se passe apparaîtra simplement comme une démonstration de la capitulation de l’Eglise devant les Soviets. Il est douteux que cela soit profitable aux Soviets. L’Eglise a témoigné du maximum possible de loyauté chrétienne ; c’est une loyauté « malgré tout ». Si les Soviets maintiennent leur politique d’intolérance, les fidèles auront tout droit d’en tirer les conséquences. »
On peut hardiment assurer que c’est justement cette loyauté si fortement soulignée qui a protégé l’Eglise de persécutions et vexations encore plus grandes de ceux auxquels elle n’a pas pu ne pas se soumettre, à la suite de virage de Staline à gauche. Le correspondant moscovite du « Messager socialiste » a écrit à l’automne de l’an dernier que le Métropolite Serge jouissait d’une popularité si large que, quand on l’a arrêté (en décembre 1926), « des démarches ont été entreprises dans des milieux tellement étendus (il y eut des délégations de Sormov, et ont agi également des membres sans parti de l’Union Ts.I.K.) que sa déportation s’est révélée sinon dangereuse, en tout cas nuisible. » L’organe antireligieux L’Athée a déclaré, aussitôt après la publication du message du Métropolite Serge, que beaucoup de travailleurs manifestaient maintenant leur mécontentement en voyant que l’on continuait à lutter avec l’Eglise, alors qu’elle avait déjà renoncé à l’activité politique antisoviétique. C’est dans cet esprit que s’est exprimée aussi la délégation des travailleurs américains dans leur entretien avec Staline, publié dans la Pravda de 1927. Il est intéressant de voir que maintenant les communistes ne savent plus comment répondre à de semblables questions. Staline n’a trouvé d’autre réponse aux Américains que l’affirmation banale que la lutte contre l’Eglise s’expliquerait par le fait que l’Eglise est contre la science. L’Athée s’est exprimé plus franchement (11 septembre 1927). Il a déclaré que « pour la loyauté politique le rôle de l’Eglise sous la direction de Serge n’a pas été différent de ce qu’il était précédemment – le rôle nuisible de la religion demeure pratiquement le même après la déclaration. Les pères de l’Eglise veulent non seulement diriger le culte et les prières et donner un passeport pour le Royaume des Cieux, ils veulent régir la vie quotidienne des croyants… Nous mènerons la lutte contre la religion, quel que soit l’habit soviétique dont Serge l’a revêtue, contre l’influence de la religion sur les masses laborieuses, comme nous mènerons la lutte contre toute religion, toute Eglise ».
Mais le pouvoir soviétique ne se résout pas à maintenir cette position ouvertement. En janvier de cette année il lui a fallu accepter, malgré les protestations frénétiques de la Komsomolkaia Pravda, la réunion contradictoire organisée par le professeur Kuznetsov avec la participation des chefs et membres du Synode sous le Métropolite Serge (intervint également comme co-rapporteur l’Archevêque de Samara, Anatoli). Enfin, dans L’Athée du 8 juin de cette année, un des activistes athées bien connu, M. Cheïn, estima nécessaire d’intervenir pour donner des explications sur les rumeurs mensongères de toutes sortes répandues par les gens d’Eglise sur les « persécutions « du pouvoir soviétique contre l’Eglise et la religion. « Ces rumeurs ont été provoquées par la fermeture et la destruction d’édifices religieux. Cheïn tente de prouver que « popes et rabbins mentent » : les églises seraient fermées et supprimées ou « par décision de la population même », ou parce que personne ne veut prendre sur soi la responsabilité de la garde et de la sauvegarde du bâtiment (églises à l’abandon), ou aussi parce que les églises « gênent la circulation dans les rues ». Il va même jusqu’à affirmer : « Il n’y a chez nous aucune persécution qui ait rapport avec la foi. Là où les fidèles veulent conserver leur église, ils l’ont. En outre, dans le cas d’une destruction des églises, quand cette destruction est dictée par les exigences de l’urbanisation, on veille toujours à ce qu’il y ait dans le voisinage une autre église qui pourrait remplacer pour les fidèles celles qui sont détruites. » Bien entendu, de façon évidente, quand Cheïn affirme de telles choses, il ment. Mais il faut remarquer qu’il est contraint de donner ce genre d’explications. Ce qui prouve que le pouvoir soviétique, qui n’ose pas mettre fin à « la nep économique », et déclare que les propos sur sa suppression sont « clairement contre-révolutionaires », n’ose pas non plus mettre fin à la « NEP religieuse ».
Dieu veuille que le dernier « virage à droite » de la politique intérieure soviétique pour la paysannerie, apporte aussi quelle amélioration à notre Eglise qui a tant souffert. L’Eglise orthodoxe ne s’appuie pas seulement sur la paysannerie, car on entend de plus en plus parler de l’influence grandissante de l’Eglise dans les milieux ouvriers, ce qui se manifeste dans la construction de lieux de culte grandioses, et pas seulement dans les quartiers industriels de Moscou, mais aussi dans les gouvernements du nord-ouest et dans d’autres endroits. Mais les bolchéviks sont obligés de tenir relativement plus compte des ouvriers que de la paysannerie qui est moins organisée. A ce sujet la communication que nous avons déjà mentionnée du correspondant du Messager socialiste, est particulièrement intéressante, qui dit que dans ces années le Métropolite Serge a particulièrement cherché à faire connaissance avec les milieux ouvriers, en s’efforçant particulièrement de les soutenir à Vladimir et à Nijni, et de fait, dans les groupes qui ont des dispositions religieuses il jouit d’une assez grande influence et soutien. Il est intéressant de comparer cela avec la déclaration panique de L ‘Athée du 13 mai qui note que « dans les chantiers géants du gouvernement de Nijni Novgorod, à Sormov et Kanavina, le premier qui compte 18 mille ouvriers, n’a en tout et pour tout qu’une seule cellule de l’union des athées (120 membres) et le second avec 15000 ouvriers n’en a pas une seule. »
Les ennemis de l’Eglise, selon Combat pour la Russie (14 février de cette année), pensaient que « le Métropolite Serge, ayant obtenu la légalisation, prendrait la voie des rénovateurs, cette voie de mépris total des dogmes et des canons de l’orthodoxie, en lien étroit avec la GPU et dans une attitude servile à l’égard du pouvoir communiste athée (une autre tactique leur paraissait tout simplement impossible). Mais le Métropolite Serge a trompé leur attente. En prenant la voie de la légalisation de l’Eglise, il est resté fidèle à Ses dogmes et Ses canons, il n’a renoncé en rien à sa conviction de la nécessité d’une totale indépendance de la vie intérieure de l’Eglise. Aussi la conscience de l’Eglise, qui a condamné les rénovateurs, n’a pas condamné le Métropolite Serge, malgré ceux, nombreux, qui pensent que sa tactique est nuisible et fautive. Le pouvoir soviétique n’a pas osé abroger la légalisation de l’Eglise patriarcale (l’acte de légalisation de l’Eglise patriarcale a été publié dans une rubrique des Izvestia seulement au début de cette année, bien que la légalisation ait eu lieu en mai 1927). Mais tout ce qui devait en être la conséquence, l’Eglise pour l’instant ne l’a pas encore obtenu. On n’a pas jusqu’à présent réussi à convoquer le Concile canonique. Il n’y a pas non plus encore d’informations précises sur la libération du Métropolite Pierre (bien qu’on l’attende depuis longtemps à Moscou) et des autres hiérarques dirigeants de l’Eglise Orthodoxe. On apprend qu’ici et là l’Eglise est soumise à de nouvelles persécutions et vexations.
Dans sa note sur la position de l’Eglise (voir Renaissance du 19 août 1926) l’archevêque Ilarion (un des plus éminents hiérarques Tikhoniens, qui a dirigé l’éparchie de Moscou sous le Patriarche Tikhon) parle de la nécessité de la formation d’un organisme de l’Eglise légalisée, dont le but principal doit être la convocation d’un Concile, pour mettre en ordre la vie de l’Eglise qui se trouve dans de « nouvelles conditions historiques » inhabituelles pour elle. Mon premier souhait au futur Concile, écrit l’archevêque Ilarion, c’est qu’il puisse manifester un refus total de participation et de solidarité avec toutes les orientations politiquement suspectes, qu’il puisse dissiper ce brouillard de calomnie malhonnête et nauséabond dont l’Eglise est enveloppée du fait des tentatives criminelles des mauvais acteurs de la « rénovation ». A l’organisme préparatoire l’archevêque Ilarion recommande la modération et la prudence. « Les gens de l’Eglise sont devenus soupçonneux », dit-il. La ligne de conduite du Métropolite Serge apparaît comme la réalisation précise des souhaits de l’archevêque Ilarion. Il a constitué, quand il était en charge, un organisme d’Eglise dont la tâche est la convocation du Concile. Mais il n’a pas eu le temps d’accomplir cette tâche. La vie de l’Eglise est encore tellement opprimée, particulièrement sous l’influence des virages à gauche de la politique intérieure, que la mise en ordre de la direction de l’Eglise ne se produit pas assez vite et méthodiquement. L’intensification de l’activité du GPU, qui terrorise le peuple de Russie éreinté par dix ans d’oppression, et aussi les campagnes de mensonge et d’insinuations qu’entreprennent contre l’Eglise tikhonienne Ses ennemis tout puissants, ont apparemment servi à renforcer l’atmosphère de panique aveugle, de désarroi et de peur, dont parle Monseigneur Serge dans le message publié dans le Messager de l’ACER[3] du 1er août de cette année. « Son appel touchant, bouleversant, au maintien de la paix et de l’unité dans l’Eglise n’a pas été entendu par tous. Apparemment la persécution indigne et injuste du premier évêque de l’Eglise du Patriarcat a porté ses fruits, provoquée, grâce à l’habileté des rénovateurs, par tous Ses ennemis à l’intérieur et à l’extérieur de la Russie. Par endroits la chose est allée jusqu’à la rupture ouverte avec le Métropolite Serge, d’évêques et de communautés d’Eglise isolées. Se sont séparés le vicaire de Viatka l’évêque Viktor, ensuite deux Vicaires de Saint-Pétersbourg, le centre de l’opposition au Métropolite Serge est l’éparchie de Iaroslav dont les évêques avec à leur tête le Métropolite Agathange et l’Archevêque d’Ouglitch Seraphim ont formé une région particulière autonome. Se sont joints à eux l’ancien Métropolite de Pétersbourg Iossif, exilé dans la région de Iaroslav. Le « Messager » rénovateur d’Ukraine du 15 mai de cette année communique que « pas moins de vingt évêques (ils se nomment « iossifistes ») ont suivi le Métropolite Agathange et Iossif. Pour ceux qui se séparent du Métropolite Serge le passage aux Iossifistes est accompagné d’un rite particulier : ils accueillent par l’aspersion des églises et la confession des prêtres. Connaissant les rapports plutôt cavaliers des rénovateurs avec les chiffres et leur tendance à démontrer coûte que coûte l’insuccès de la ligne de l’Eglise tikhonienne, poursuivie par le Métropolite Serge, auquel ils ne cessent de s’en prendre avec une rage inépuisable, on peut dire que le nombre de dissidents qu’ils avancent n’est en tout cas pas sous-estimé, plutôt même exagéré. Outre les évêques susmentionnés (3 vicaires ont suivi le Métropolite Agathange), les rénovateurs ne citent plus un seul nom. (Il est aussi important de remarquer qu’on ne peut appeler véritable schisme cette séparation d’évêques isolés de leur autorité canonique centrale – ils n’ont pas créé une direction centrale propre pour contrebalancer le synode du métropolite Serge). Et ils ne se sont séparés que provisoirement jusqu’au « retour au pouvoir du métropolite Pierre » comme il est écrit dans une de leurs adresses. Qu’est ce qui a incité ces évêques à faire ce pas si grave qu’est la rupture avec le pouvoir canonique légal qu’ils reconnaissaient jusque là ? Dans les « Nouvelles de l’Eglise », éditées à Karlovtsy (mars, avril 1928), ont été publiés les messages qu’ont adressés au Métropolite Serge les prêtres qui se sont séparés de lui. Ces messages montrent qu’on reproche au Métropolite Serge le fait qu’il n’ait pas réussi à conduire l’Eglise à un Concile. Mais le Métropolite Serge est-il vraiment coupable du fait que la déviation à gauche de la politique soviétique n’a pas permis à l’Eglise de profiter de ce qui devait être la conséquence de la légalisation de Sa direction centrale ? On ne peut pas non plus le rendre responsable de l’intensification de l’activité du GPU dont ont aussi souffert les représentants de l’Eglise. Le contenu de l’adresse des évêques de l’éparchie de Iaroslav laisse à penser qu’ils ne prêtent pas une attention suffisante à la demande du Métropolite Serge (dans son message mentionné plus haut) « de ne pas se hâter de s’émouvoir de toutes les rumeurs non vérifiées ». Par exemple ils reprochent au Métropolite Serge d’avoir dans son Synode introduit « un prêtre fugitif tombé dans le schisme, l’archevêque Philippe ». Mais nous savons que cette accusation est calomnieuse, mise en circulation par les rénovateurs dans leur haineuse campagne dirigée particulièrement contre l’archevêque Philippe. Dans les documents imprimés par les « Nouvelles de l’Eglise », il faut distinguer, pour ses hautes dispositions spirituelles, la lettre adressée par l’Archevêque Serafim d’Ouglitch au Métropolite Serge. Elle est remplie d’un tel souci de l’Eglise, écrite dans un esprit si plein d’amour et d’humilité, que c’est un des témoignages qui prouvent que les acteurs de l’Eglise qui ont vécu ces années terribles en Russie, peuvent, même à l’occasion de sérieux différends, s’adresser l’un à l’autre dans un esprit authentiquement chrétien. Nous citerons intégralement cette remarquable lettre :
« Votre très Haute Sainteté.
Les six mois et plus, qui se sont écoulés depuis la publication de Votre déclaration des 16-29 juillets 1927, ont montré que tous Vos espoirs en un « règlement pacifique de nos affaires d’Eglise », de « la mise en ordre et de l’organisation nécessaires du gouvernement de l’Eglise » ont été vains et que Votre « certitude de la possibilité d’une activité et d’une vie paisibles dans les limites de la loi est parfaitement chimérique et ne peut jamais, dans les conditions présentes, se réaliser. En revanche les faits presque chaque jour témoignent que les fidèles orthodoxes ont de plus en plus de mal à vivre. Mais il est particulièrement pénible et franchement douloureux pour eux d’avouer que Vous sacrifiez à je ne sais qui et à je ne sais quoi la liberté de l’Eglise.
On verse des larmes amères quand on doit reconnaître que Vous, qui, dans la première période de votre suppléance, avez porté si sagement et si hardiment l’étendard de l’Orthodoxie, vous vous êtes maintenant détourné de la voie droite et êtes allé sur le chemin des compromis, contraires à la vérité. Vous nous avez plongés dans des tourments moraux terribles et vous êtes devenu le premier de ces martyrs car vous devez souffrir et pour vous et pour nous. Précédemment nous avons souffert en silence et patiemment, sachant que nous souffrions pour la vérité et que nous avions avec nous la force de Dieu qui surmonte toute souffrance et qui nous affermissait et exaltait de l’espérance que dans un délai, que Dieu seul connaît, la vérité de l’Orthodoxie vaincrait, car elle a été promise sans mensonge et, quand il le faudra, l’aide toute puissante de Dieu nous sera apportée. Par votre déclaration et par la politique qu’elle implique pour l’Eglise vous faites tout pour nous amener dans une région dans laquelle nous sommes déjà privés de cette espérance, car vous nous détournez du service de la vérité, et Dieu n’aide pas le mensonge.
Nous, citoyens loyaux de l’URSS, nous exécutons docilement tous les ordres du pouvoir soviétique, nous n’avons jamais eu (‘intention et nous n’avons pas l’intention de nous révolter contre lui, mais nous voulons aussi être des membres honnêtes et sincères de l’Eglise du Christ sur terre et nous n’essayons pas de nous « repeindre dans la couleur soviétique » parce que nous savons que c’est inutile et que les gens sérieux et sincères n’y croient pas.
Pendant qu’il n’est pas encore trop tard , pendant que ne vous n’avez pas encore été englouti dans ce gouffre terrible prêt à Vous avaler sans gloire et pour l’éternité, rassemblez vos forces intellectuelles et morales puissantes récemment encore, redressez-vous de toute votre stature spirituelle, rédigez une seconde déclaration pour corriger la première, ou même une semblable à celle Vous avez envoyée dans la première période de votre suppléance, brisez dans un heureux élan de l’esprit les chaînes qui Vous immobilisent et sortez vers la sainte liberté. Les vrais fils de l’Eglise prieront Dieu pour vous et les évêques courageux et les bons pasteurs seront tous à vos côtés. Tous les nombreux martyrs, cette voix des témoins de la vérité pure, éloignés de leur troupeau et de leurs frères se feront un plaisir de vous embrasser en esprit ; pour vous il y aura la vérité invincible elle-même. Elle vous indiquera le chemin de l’avenir, elle vous protègera et vous défendra.
Cher Seigneur ! J’imagine comme vous devez souffrir. Pourquoi Vous qui éprouvez vous-même ces souffrances, ne souhaitez-vous pas les alléger pour ceux qui en leur temps vous ont fait confiance ? Avec quelle joie je vous ai transmis mes droits de suppléance, croyant que Votre sagesse et votre expérience agiraient avec vous dans le gouvernement de l’Eglise.
Que s’est-il passé ?… Est-ce une fatalité sans retour ?… Ne trouverez-vous pas le courage de reconnaître vos erreurs, de cette fatale erreur de Votre déclaration des 16-19 juillet 1927 ? …Vous m’avez écrit et vous croyez sincèrement que la voie choisie par Vous apportera la paix à l’Eglise. Mais que voyez-vous, qu’entendez-vous maintenant ?… Un terrible gémissement s’élève des confins de la Russie. Vous promettiez de libérer deux, trois martyrs et de les rendre à la communauté des croyants, regardez combien de nouveaux martyrs sont apparus et leur voix, des rivages de l’Ob et de l’Ienissei, des déserts de la Caspienne, des chaînes montagneuses du Turkestan ne parvient pas jusqu’à Vous ? Comment avez-vous pu par votre déclaration les stigmatiser eux et beaucoup d’autres de la marque d’ennemis du régime civil actuel, quand eux et nous du fait même de notre nature spirituelle avons toujours été étrangers à la politique, gardant rigoureusement, jusqu’au sacrifice de soi, la pureté de l’orthodoxie ?
Est-ce à moi, qui suis le plus jeune par rapport à vous, d’écrire ces lignes, est-ce à moi de donner des leçons à un prêtre de l’Eglise Russe très expérimenté et très instruit. Mais la voix de ma conscience me force à harceler encore et toujours votre coeur large et bon…Montrez du courage, reconnaissez votre faute fatale et s’il Vous est impossible de publier une nouvelle déclaration, pour le bien et la paix de l’Eglise transmettez vos droits et votre pouvoir à un autre remplaçant.
J’ai le droit de Vous écrire ces lignes et de faire cette proposition car beaucoup aujourd’hui me reprochent de Vous avoir trop vite et sans réserve transmis les droits de la Suppléance. Ayant éprouvé ce fardeau du gouvernement de l’Eglise, je crois que dans le silence de Votre cellule vous versez des larmes amères et que vous vous trouvez dans un terrible tourment de l’esprit…Et nous le déplorons et pleurons avec vous. Et si les éparchies et des paroisses continuent à se séparer de vous et de votre Synode, c’est le tocsin, le terrible tocsin des cœurs des fidèles tourmentés qui pourraient se porter jusqu’à Votre coeur, l’enflammer de la flamme de sacrifice de soi et vous disposer à « donner sa vie pour ses amis » (Jean 13 15).
Que le Seigneur Vous aide et bénisse Votre décision courageuse que vous suggèrera la voix de la conscience archiépiscopale et que nous ne Vous dicterons pas, mais qu’avec un amour filial nous vous proposons pour le salut de Votre âme et le bien de l’Eglise.
Serafim, archevêque d’Ouglitch,
Vicaire de l’éparchie de Iaroslav, ancien remplaçant du locum tenens du Patriarcat »
Cette lettre produit la même impression lumineuse que produit le message du Métropolite Serge publié dans le Messager de l’ACER du 1er août de cette année. Les deux côtés, sans hypocrisie, se soucient du bien de l’Eglise. Le Métropolite Serge dans son message prie ses frères de ne pas se séparer de lui sans avoir reçu de lui préalablement « des éclaircissements pour tous les malentendus qui troublent la conscience ». Et il faut croire que si des raisons extérieures ne l’avaient pas empêché de rencontrer les évêques qui n’étaient pas d’accord avec lui, mais qui se souciaient pareillement du bien de l’Eglise, l’unité entre eux n’aurait pas été détruite. Il y a des faits qui montrent que le métropolite Serge et les évêques qui l’assistent dans ce lourd service, peuvent apaiser les orthodoxes troublés. Le Messager rénovateur ukrainien du 2 l mai de cette année informe que « la venue du Métropolite Mikhaïl venu de la part du Métropolite Serge en Ukraine a rencontré au début la même opposition à Kiev même aussi bien que dans d’autres villes. Ensuite s’est tenu à Kiev le Congrès des évêques tikhoniens qui se trouvaient en Ukraine ; de plus les évêques qui n’étaient pas présents au Congrès ont envoyé leurs signatures pour approuver les décisions du Congrès. » Finalement l’unité n’a pas été rompue et les rénovateurs ne peuvent rien dire de l’Eglise tikhonienne sinon qu’elle est « pleine d’ignorance et de ténèbres » et vit dans une « atmosphère de mensonge et d’hypocrisie » – faute de faits, de possibilité de lui attribuer quoi que ce soit de réel ils recourent simplement selon l’habitude à une attaque grossière. Un cas semblable s’est produit dans l’éparchie de Tver ; L’Athée du 17 juin de cette année informe que le Métropolite Serafim de Tver, membre du Synode sous le Métropolite Serge, peut-être même après avoir signé le message du Métropolite Serge, « aurait été interdit pendant six mois de célébrer dans toute église du gouvernement de Tver. » La réconciliation, selon L’Athée, se serait faite de la façon suivante : « Il s’est rendu dans le gouvernement de Tver et dans une des églises a prononcé un sermon tonitruant qui avait pour sujet le péril rouge dans l’Eglise. Après cette déclaration paix et amour ont été rendus au Monseigneur. »
A Moscou, ville de résidence du Métropolite Serge, personne apparemment ne s’est séparé. Lui-même y peut expliquer qu’il ne prendra pas « le chemin de l’Eglise synodale », ce que craignent particulièrement les orthodoxes inquiets (Messager des rénovateurs ukrainiens du 1er mars de cette année) : Le métropolite Serge assure dans son message que « tous les bruits sur de prétendus accords ou même rapprochements entre nous et les mouvements dissidents de l’Eglise, quels qu’ils soient, rénovateurs ou grigoristes… sont ou des inventions perverses ou le fruit d’une imagination apeurée. » Nous en trouvons la confirmation dans les actes du congrès du V.V.Ts.S. qui a envoyé au Métropolite Serge une invitation « mais le Métropolite Serge n’a pas estimé nécessaire de venir et même de répondre quoi que ce soi. » La même chose s’est produite avec les rénovateurs : ils informent que le Métropolite Serge n’a pas désiré entrer en pourparlers d’aucune sorte avec eux. Mais en Ukraine il s’est produit la chose suivante : « Au concile des rénovateurs qui s’est tenu en mai de cette année à Kharkov, il a été rapporté que « le métropolite Innokenti (rénovateur) – a pris toutes les mesures pour une rencontre et un entretien avec le Métropolite Mikhaîl (qu’ils voulaient inviter à leur concile), mais ce dernier n’a même pas répondu à leur demande d’indiquer un lieu et une date pour cette rencontre. Le Synode de même a écrit une lettre très affable au Métropolite Mikhaïl mais il n’y a pas eu non plus de réponse ». Nous avons cité plus haut l’information de Moscou disant que la conscience de l’Eglise qui a condamné les rénovateurs, n’a pas condamné le métropolite Serge. En fait on ne peut pas ne pas voir la différence entre les expressions de loyauté politiques qui viennent du Métropolite Serge et les adresses au pouvoir soviétique des rénovateurs, des grigoristes et des gens de même sorte. Un exemple caractéristique de cette littérature indigne est le message, cité plus haut, que le V.V.Ts.S. a adressé au pouvoir soviétique à l’occasion de son dixième anniversaire. Pour obtenir la légalisation le Métropolite Serge a dû signer le message qui a fait tant de bruit et on n’a pas exclu la possibilité que des passages isolés de ce message lui aient été simplement imposés. Les rénovateurs même, le V.V.Ts.S et d’autres schismatiques dans la rédaction de leurs messages n’ont pour but que d’entrer dans les bonnes grâces du pouvoir soviétique. Dans les messages des hiérarques qui attaquent le Métropolite Serge nous trouvons des assurances de loyauté politique à l’égard du pouvoir soviétique qui ne sont pas moins catégoriques que chez lui. Dans l’adresse signée par le Métropolite Agathange et d’autres archevêques de l’éparchie de Iaroslav, il est écrit ceci : » Vous obligez à un rapport loyal à l’égard du pouvoir civil. Nous accueillons cette exigence et témoignons que nous avons toujours été, sommes et serons loyaux et soumis au pouvoir civil… » L’archevêque d’Ouglitrch Serafim écrit : « Nous sommes des citoyens loyaux de l’URSS, nous exécutons avec soumission tous les ordres du pouvoir soviétique ». De même le Métropolite Iossif parle de « son humble soumission au pouvoir civil. » C’est la même loyauté dont parle le prétendu « message des évêques des Solovki » et les adresses du Métropolite Pierre, du Métropolite Agathange (à l’époque de sa première suppléance) et des autres chefs de l’église tikhonienne. Le Métropolite Serge n’est pas allé plus loin mais le Métropolite de Kiev Mikhaïl dans son adresse à son Troupeau déclare franchement qu’il ne faut exécuter que les dispositions du pouvoir qui ne s’opposent pas « à nos obligations religieuses, morales et canoniques ». Aussi peut-on supposer que la racine des divergences entre eux et les hiérarques qui ne sont pas d’accord avec lui ne se trouve pas tant dans le domaine politique, dans les rapports avec le pouvoir soviétique que dans un domaine purement ecclésial, dans les questions de direction, de discipline ecclésiale etc. C’est ce que montrent les passages des messages des évêques qui attaquent le Métropolite Serge où il est accusé d’arbitraire dans les nominations, les déplacements, les interdictions d’évêques etc. Ils se présentent même en défenseurs des droits de libre organisation de la vie religieuse intérieure de la communauté ecclésiale qui lui sont octroyés par le pouvoir civil même (choix par des communautés de fidèles, des chefs spirituels). Des informations venues de Russie disent que maintenant le clergé voit se présenter des gens qui ne sont pas suffisamment préparés théologiquement et ont besoin d’une direction compétente. De même, la nécessité du maintien de la discipline ecclésiastique ne peut pas ne pas obliger le Métropolite Serge à accepter toutes les mesures qui fassent sentir ici et là la compétence du pouvoir ecclésial panrusse. Il convient aussi de remarquer que l’opposition se groupe autour du Métropolite Agathange à propos duquel le Métropolite Pierre Krutiski a écrit dans son message du 1er janvier 1927 : « Encourent un sévère jugement et une condamnation sévère ceux qui, alléguant le bien de l’Eglise, emploient la force pour promouvoir un starets de Dieu au poste de locum tenens du Ptriarcat, ils répondront de ce crime devant la Sainte Eglise. Mais le directeur de la Chancellerie du Synode de Karlovtsy, Makharablidze, donnait dans le numéro des Nouvelles de l’Eglise de décembre 1926 cette information entre autres : « Tutchkov (président du GPU, chargé des affaires de l’Eglise), a particulièrement insisté sur l’attribution de la direction de l’Eglise au Métropolite Agathange qui étant déféré au tribunal de l’ordre épiscopal ne peut pas reconnaître le pouvoir, et a proposé au Métropolite Serge d’organiser une conférence des évêques à Vladimir, afin d’y transmettre le pouvoir au Métropolite Agathange. Le Métropolite Serge a donné son accord pour la conférence de Vladimir, mais a dit à ce sujet : « Nous nous nous réunirons à 12 archevêques et rendrons notre jugement sur le Métropolite Agathange. » La conférence n’a pas eu lieu.
Au vu de toutes les informations citées plus haut nous pouvons hardiment affirmer que nous ne voyons pas dans l’activité du métropolite Serge quoi que ce soit qui pourrait servir à l’accusation de déviation de la voie sur laquelle le sage Kormtchi[4] – le Très saint Patriarche Tikhon, a conduit notre Sainte Eglise, dans une période incroyablement difficile. L’argumentation des évêques qui sont en désaccord avec le Métropolite Serge ne nous paraît pas significative ni sérieuse, ce qui ne nous empêche pas de respecter toutes les manifestations sincères de souci plein d’amour et de zèle pour l’Eglise que nous voyons, par exemple, dans la lettre citée plus haut de l’Archevêque d’Ouglitch Serafim. Nous avons cru et continuons à croire que le Seigneur ne laissera pas sans Son soutien ces hiérarques qui portent le lourd fardeau de la responsabilité de l’Eglise, et les aidera à la conduire dans son chemin de croix à la victoire finale. « Moment grand, terrible mais qui conduit à la gloire » (extrait de la lettre d’un évêque déporté dans le Grand Nord, voir le Messager de l’ACER, de mai 1927).
Traduction Yves Avril